CHÂTEAU DE BÉRU

Le Rouge & le Blanc No. 14

Gérard Oberlé

Dans le sillage d'Olivier De Moor (R&B no 95) et de Thomas Pico (R&B n° 112), Athénaïs de Béru trace sa route, depuis 2006, dans le Chablisien. Contrairement aux chemins balisés et conventionnels, le sien, naturel et respectueux de l'environnement, lui permet de présenter aujourd'hui des vins au caractère pur et précis.

Les arrière-grands-parents d'Athénaïs de Béru étaient propriétaires d'une maison de négoce Beaune et d'un domaine à Béru — un château du XV' siècle entouré d'un vignoble — dans la famille depuis 1627. Ses grands-parents se sont éloignés de la viticulture, puis les vignes ont été dévastées vers 1900 par le phylloxera. C'est son père Éric qui replante le domaine — 15 ha issus de sélections clonales — en 1980, mais de graves ennuis de santé l'obligent céder ses vignes en fermage, tandis qu'Athénaïs, après des études financières, passe une année en Amérique centrale avec une ONG spécialisée dans la construction de fermes bio. Elle se découvre alors « une affinité avec le travail de la terre à laquelle je n'avais pas songé. À son retour, elle travaille à Paris « dans la finance », mais contre toute attente le fermage du domaine s'interrompt soudainement en 2005 • « un signe du destin, une occasion certes, mais avant tout unc évidence avec le côté idéaliste du métier de vigneron » , « Mon père disparait quatre mois avant les vendanges de 2006, l'année au cours de laquelle je reprends les vignes. Cette année, émotionnellement dure, reste joyeuse malgré tout... se souvient-elle en souriant tristement. D'emblée, elle s'inscrit dans une démarche de culture biologique : « J'ai récupéré une vigne "matraquée" et j'ai vite appris que l'on ne passe pas au bio du jour au lendemain ! ». Auparavant, un BPREA à Beaune, un stage de vinification au domaine Chandon de Briailles à Savigny-lès-Beaune, des contacts fréquents avec Olivier De Moor et Thomas Pico, et un tour de France des vignobles lui apportent conseils et soutiens amicaux. Elle y rencontre « son grand ami » Henri Milan (Les Baux-de-Provence), qui l'aide à démarrer, Michel Grisard (Savoie), qu'elle visite chaque année, ainsi qu'Evelyne et Pascal Clairet (Arbois), qu'elle considère comme sa famille. Elle reconnait modestement être intervenue, au début, beaucoup par hasard. « J'ai ensuite acquis une maitrise progressive du geste, et, année après année, mes sols ont retrouvé un peu plus de vie. » Son « grand frère protecteur » Sébastien Burel l'aide pour ses premières vendanges et vinifications, ainsi que pour les vinifications des millésimes ultérieurs. Depuis 2013, ses vignes sont certifiées bio et, après une formation auprès de Pierre Masson dès 2010, elle adopte la biodvnamie — préparats, respect des phases lunaires[1] dans le souci de préserver I 'environnement et la santé. La biodvnamie est également — et surtout — prétexte des échanges humains et à une incessante remise en question. Lors des vendanges — manuelles, ce qui n'est pas si fréquent dans le Chablisien — qui sont menées par une trentaine de vendangeurs durant deux semaines. Le tri se déroule essentiellement à la vigne : « Je préfère, car sur table de tri le raisin peut parfois être trop trituré ! et les grappes sont déposées dans des caissettes de 12 kg. « Mon équipe m'a beaucoup appris explique humblement cette vigneronne optimiste, même si l'inquiétude liées au vin, elle fourmille de projets, dont celui de développer la « dimension animale Actuellement, des moutons paissent en hiver dans ses parcelles closes. Et une partie des vignes est labourée au cheval sous la conduite de Thierry Audo : Athénaïs souhaiterait élargir le travail qu'ils effectuent ensemble et acquérir quelques chevaux. Elle envisage aussi d'héberger l'élevage porcin d'un ami dans une forêt du domaine et également d'installer un poulailler. Elle vient d'ouvrir sur place un bar à vins Où les vins du domaine et ceux des copains sont accompagnés de produits locaux, le tout dans une logique bio. Enfin, le château dispose de très belles chambres d'hôtes, tenues par Laurence, la mère d'Athénaïs. En dépit de ses multiples activités et projets, curieuse et sportive, elle réussit parfois à s'échapper vers des contrées lointaines, le plus souvent en montagne, pour découvrir les cultures et les traditions d'autres peuples. Voilà donc une des recettes d 'Athénais pour Se ressourcer. C'est peut-être ce qui apporte à ses vins ce supplément d'âme, la distinguant alors de bien de ses confrères.

Chapeau bas ! 

Les 15 ha du domaine sur la colline de Béru se composent de huit parcelles. Dont le Clos Béru : 3,5 ha, exposés au sud (les 2/3) et sud-ouest, avec une rochemère qui affleure à certains endroits, et l'Orangerie : une parcelle (0,5 ha) ceinte aussi de hauts murs, sol composé de différentes couches argileuses Sur socle calcaire, Également 0,5 ha dans le 1er cru Vaucoupins. Le reste est en appellation générique Chablis.

Athénaïs participe à tous les travaux de la vigne (taille, relevage, essoumachage[1] ... ) et s'active au pressoir pneumatique lors des vendanges — manuelles, ce qui n'est pas si fréquent dans le Chablisien — qui sont menées par une trentaine de vendangeurs durant deux semaines. Le tri se déroule essentiellement à la vigne : « Je préfère, car sur table de tri le raisin peut parfois être trop trituré ! et les grappes sont déposées dans des caissettes de 12 kg. « Mon équipe m'a beaucoup appris explique humblement cette vigneronne optimiste, même si l'inquiétude peut la tenailler lors de certaines phases du cycle de la vigne. Très exigeante quant aux élevages — les vins séjournent deux hivers en cave —, elle n'a pas encore définitivement choisi ni son tonnelier de référence, ni ses contenants (demimuid foudre et elle expérimente des qvevri ("amphores") géorgiens (non enterrés). Pour remplacer les pieds détruits par l'esca, elle récupère des bois chez Thomas Pico afin de développer des sélections massales avec un pépiniériste qui suit un cahier des charges de biobiodvnamie.

Par ailleurs, depuis 2011, elle gère une petite structure de négoce avec les raisins — vendangés par son équipe — de quelques vignerons bio de l'Yonne, ce qui lui permet d'aborder la vinification de rouges. Malgré ses multiples activités.

Chablis 2012

Année effroyable avec de nombreuses et sérieuses attaques de mildiou dues aux chaleurs suivies de pluies à répétition. Grêle en juillet Heureusement, trois belles semaines en septembre, notamment pendant les vendanges, ont débloqué les maturités et permis de sauver un millésime qui s'avère concentré et équilibré Sol d’éboulis calcaires. Petite récolte. Éleva* 18 mois en cuve Inox.

Nez encore un peu fermentaire. aujourd'hui en retrait. Notes de réglisse et de fleur de sureau avec une touche miellée et anisée. Bouche ronde dotée néanmoins d'une fine acidité qui apporte de la fraîcheur. Finale persistante. nette et saline, avec une pointe muscatée. Un vin élégant et désaltérant qui excite les papilles.

Chablis 2012 Orangerie

Élevage 18 mois en fûts anciens de 2281. Nez intense, solaire et complexe (nougat, melon, coing, herbes de montagne). Plus gras, plus riche,plus puissant avec une belle tension et une acidité salivante. Un grand vin au caractère bien trempé.

Chablis 2011 Clos Béru

Année facile et joyeuse. Bel été. Vendanges à la mi-septembre. Récolte assez abondante. Elevage 18 mois en demi-muids (dont 10 % neufs), puis assemblage en cuves Inox et séjour d’une année supplémentaire.

Nez iodé (coquillage) et épicé (romarin, sauge). Bouche ample et mûre  dans la continuité du nez, avec une pointe marine. De beaux amers d'agrumes (pamplemousse) en finale. Un vin agréable et facile.

Chablis 2010 Clos Béru

Jolie année, malgré la coulure. Belle arrière-saison. Vendanges à la fin du mois de septembre. Petite récolte.

Notes aillées et butyreuses. Attaque nerveuse. Texture à la fois suave et saline. Jus dense, pur et élégant. Sur des cuisses de grenouilles sautées à l'ail imagine un dégustateur. Un joli vin de repas.

Chablis 1" cru Vaucoupins 2012

Élevage 18 mois en barriques (dont 10 % neuves) et séjour d'une année supplémentaire en cuveInox.

Nez opulent, encore marqué par l'élevage, avec des notes marines (algues) et florales (fleurs blanches). Bouche bien construite, d'une grande profondeur. Matière dense et minérale. Très  architecturée un vin vertical au grand potentiel de garde.

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CHEZ ATHÉNAÏS DE BÉRU