Rencontre avec la vigneronne du château de Béru

Depuis quinze ans, la bourguignonne cultive sous l’étiquette Château de Béru la tradition viticole familiale.

Avant tout, c’est un vin, le Clos Béru Monopole, un chablis élégant, avec de la finesse, beaucoup de profondeur, le genre de vin avec qui on passe une délicieuse soirée. Le jus présente une très belle expression de son terroir argilo-calcaire, de la ­fraîcheur, des arômes de fruits mûrs et une pointe de citron. Craquant.

Par Madeleine Voisin

Publié le 24/02/2021

Château de Béru

Château de Béru

Derrière la remarquable cuvée, il y a Athénaïs de Béru. En 2005, à 27 ans, elle quitte la cacophonie parisienne et sa carrière dans la finance pour reprendre le domaine familial, à Béru, petit hameau d’une soixantaine d’habitants. À 30 km d’Auxerre, le château de Béru, classé monument historique, jouit d’un patrimoine viticole vieux de plusieurs siècles. On y retrouve des traces de production de vin et du Clos Béru, érigé par les moines de l’abbaye de Pontigny, dès le Moyen Âge. Les caves dans lesquelles ces religieux vinifiaient leur jus datent quant à elles du XIIe siècle, bien avant la construction du château. Depuis le XVIIe siècle, la famille d’Athénaïs vit de ses vignes, jusqu’à la crise du phylloxéra et l’arrachage massif du début du siècle dernier. Dans les années 1980, le père d’Athénaïs, le comte de Béru, relance l’activité viticole au sein du domaine.

"Nos terres viticoles étaient à l’origine en appellations chablis et chablis premier cru, il aurait été dommage de ne pas en faire quelque chose." Les vignes sont replantées et les premiers millésimes étiquetés Château de Béru voient le jour. Une poignée d’années plus tard, le ­comte, malade, se voit contraint de mettre fin à l’entreprise. Les vignes sont mises en location, la famille déménage à Paris et la production de vin n’est plus qu’un souvenir. "Adolescente, quand j’ai dû choisir ma voie, la viticulture, en termes d’exploitation, n’était plus du tout un sujet d’actualité. J’avais conscience que les vignes se libéreraient à mes 40 ans, mais lorsqu’on en a 18, c’est presque une autre vie." Athénaïs se lance dans la finance, un parcours tout tracé, job à la clé. "Avant de démarrer ma vie professionnelle, j’ai travaillé bénévolement en Amérique centrale pour une ONG, sur un projet d’implantation de ­ferme biologique." Cette expérience, qui marquera sa vie, sème la petite graine agricole dans l’esprit de la jeune Bourguignonne.

Un domaine en biodynamie

Coup de poker en 2005 : "Le fermier qui louait nos vignes nous a annoncé qu’il prenait sa retraite. Nous étions à mi-parcours du fermage, du jamais vu !" Athénaïs propose de reprendre elle-même l’exploitation. "Je n’y connaissais rien, mais je voyais cette aventure à la fois comme une opportunité professionnelle et comme un moyen de faire revivre la tradition familiale et le rêve de mon père. J’ai été fortement inspirée par les raisons qui l’avaient lui-même poussé à franchir le pas. Même si nous n’avons pas eu beaucoup d’échanges sur la partie technique, je l’ai rejoint dans sa passion. J’avais l’énergie, la naïveté de quelqu’un qui se lance sans réfléchir, sans avoir peser le pour et le contre ni envisagé les difficultés possibles. À l’approche d’une petite nana débarquant de Paris pour faire du vin, certains ont eu quelques préjugés. Mais ces a priori de départ ont vite été balayés, dès que j’ai mis les mains dans le cambouis. Et puis, grâce à celles de la génération précédant la mienne, être une femme dans le monde viticole aujourd’hui n’est plus ni compliqué, ni rare." 

Athénaïs se jette tête la première dans le bio, dans une région où ce mode de production ne fait toujours pas recette. "Et puis, de manière très égoïste, je ne me voyais pas m’asperger moi-même de produits nocifs !"

Très vite, en 2010, le domaine passe en biodynamie : " J’étais non seulement transportée par ces crus qui me procurent tant d’émotions, mais je trouvais ces pratiques naturelles passionnantes." Depuis les premiers jours, la nature est au centre du projet. "L’idée était de tenter de la comprendre plutôt que de vouloir la façonner. D’un millésime à l’autre, nous avons des jus de raisin de plus en plus équilibrés, naturellement vivants, avec une énergie à part entière qui me permettent de faire des vins nature à mon goût, comme je l’entends, avec beaucoup de finesse et une expression des terroirs très forte et sincère."

À 42 ans, la vigneronne, installée avec mari et enfant dans une partie du château, perché sur une colline entourée de vallons, de forêts et de vignes, est reconnue comme une référence en France et à l’international. Fière du chemin parcouru et la tête pleine de projets pour l’avenir, elle continue sa mission : faire connaître ses vins d’exception et sa vision, et fédérer autour d’elle des passionnés partageant cette philosophie du bien boire, dans le respect de l’environnement.

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LA VIGNE AU NATUREL